Alexandre Bourdas, chef du SaQuaNa (« Saveur Qualité Nature » 2 étoiles Michelin) a ouvert en novembre 2012 une deuxième adresse à Paris, une « cantine-auberge » comme il dit, dédiée entièrement à la Pascade cette spécialité Aveyronnaise qui lui est si chère. Pour tenir les rênes de cette nouvelle adresse, il a fait confiance à Marc André un ancien du SaQuaNa qui vit à cette adresse sa première expérience de chef à 27 ans. Ils reviennent avec nous sur cet amour de la Pascade et cette nouvelle aventure parisienne !
D’où vous vient cette passion pour la cuisine ?
Marc : Bien que ce soit important dans ma famille de bien manger et de se retrouver autour de la table, je n’étais pour autant pas du tout parti dans cette voix au départ. C’est l’histoire classique, ma mère et ma grand-mère faisaient beaucoup à manger et le faisaient bien. Dès que je pouvais, j’étais dans leurs pattes car j’étais très gourmand mais au moment de m’orienter professionnellement, je me suis dirigé vers l’électronique. A l’âge de 20 ans ça a fini par me rattraper, j’ai tout arrêté et c’est devenu une passion et un métier. Je pense que s’il y a un mot à retenir pour expliquer comment j’en suis arrivé là, ce serait la gourmandise !
Alexandre : Moi, c’est à peu près la même chose, quand on choisit d’être cuisinier c’est avant tout parce qu’on aime manger et qu’on aime la table. Petit, j’étais également hyper gourmand et toujours dans les jupons de ma grand-mère quand elle cuisinait, comme l’était Marc, et puis j’ai peut-être aussi été un peu conditionné car on me disait toujours « Toi tu es trop gourmand, tu finiras cuisinier ! ». Contrairement à Marc, je me suis lancé dès l’âge de 14 ans avec mes premiers essais en cuisine. A 16 ans, j’ai démarré l’école hôtelière et moi qui avais toujours été dans les derniers de la classe, je suis passé dans le peloton de tête ! Je me suis donc retrouvé dans mon domaine et je continue à faire ce que j’aime : le plaisir de faire découvrir, la convivialité de la table, la gourmandise… Je pense qu’on naît avec ça en nous.
Alexandre, quelques mots sur votre rencontre et votre histoire avec la Pascade ?
La Pascade, c’est tout d’abord une rencontre étant petit avec cette spécialité aveyronnaise dans une ferme auberge où elle était servie en entrée à volonté avec du sucre, de la ciboulette, etc. Pour nous, enfants, c’était comme une sorte de crêpe sucrée. C’était déjà inscrit dans mes empreintes gourmandes cette histoire entre la Pascade et moi ! Lorsque j’ai ouvert le SaQuaNa à Honfleur en 2006, je me suis retrouvé pour la première fois aux commandes d’un restaurant et quand j’ai dû penser à un amuse-bouche qui me ressemble, l’idée d’une Pascade à partager s’est présentée comme une évidence. C’est donc aujourd’hui un amuse-bouche signé SaQuaNa !
Et le projet du restaurant Pascade, comment est-il né ?
Au fil du temps je me suis amusé à la cuisiner avec une garniture pour la famille ou des amis, jusqu’au jour où l’idée m’est venue de dédier un lieu à la Pascade de la même façon qu’il y a des pizzerias ou des crêperies. On n’a pas été jusqu’à inventer un nom tel que la « Pascaderie » mais l’idée d’un restaurant appelé Pascade où on ne servirait que de la Pascade, sucrée ou salée, est née. Cela semblait un moyen original de faire partager la Pascade aux gens. J’ai été très soutenu par ma femme et mon entourage et j’ai monté le projet avec mon associé Sebastien Pradal, basé sur Paris. Quant à Marc, il travaillait avec moi depuis 2 ou 3 ans déjà et avait les épaules pour assumer un tel poste. En novembre 2012, nous avons enfin ouvert !
C’était une belle opportunité pour vous Marc, cette première place de chef à 27 ans ?
Bien sûr ! Quand la question s’est posée, je n’ai pas trop réfléchi, j’avais déjà confiance en Alex donc quand il m’a proposé le projet j’ai dit oui immédiatement. Pour moi, c’est une évolution dans le métier, l’occasion aussi de quitter un peu le gastro et le monde des étoilés Michelin, ce dont j’avais envie. C’était donc une continuité logique dans mon choix de parcours en plus d’être une belle opportunité.
Comment s’est déroulé le travail avec l’architecte Thierry Chalaux et l’ébéniste Jean-Marie Lacombe pour en arriver à ce lieu original ?
A : Comme pour le SaQuaNa, je savais exactement ce que je voulais et où j’allais. Je voulais que le restaurant soit entre la ferme auberge et la cantine, un lieu où on a envie de passer et de repasser, que ce soit simple et fait de matériaux bruts car il y a pour moi dans la Pascade une rusticité assez authentique qui devait se retrouver dans la morphologie du lieu. J’avais déjà travaillé avec Thierry et Jean-Marie et c’est surtout le fruit de la collaboration entre 3 amis. Souvent, je donne les idées, Thierry l’architecte les dessine et Jean Marie, plus technicien, les met en œuvre. On s’est rencontré pour échanger régulièrement et faire évoluer le lieu selon notre idée, en sachant où on allait. On voulait des tables dures et rustiques entre la table d’écolier et l’établi et de la pierre. Le résultat, on l’a aujourd’hui, c’est-à-dire un mélange d’authenticité, de traditionnel et de contemporain avec des lignes plus pures et plus droites que ce qui aurait été fait il y a 40 ans.
Comment a été accueillie la Pascade ? Comment ont réagi « les Parisiens » face à ce plat inhabituel ?
M : Il y a eu beaucoup de réactions différentes au départ, beaucoup de surprises face à cette crêpe soufflée qui intrigue beaucoup, surprises face à la qualité de la garniture, ou encore par le petit côté sucré de la Pascade . Selon les gens, le côté surprenant du plat a plus ou moins bien été accueilli mais plutôt bien en général !
A : Il y a en effet eu un vrai travail de construction autour du produit car nous sommes partis de rien. Au départ, quand on a ouvert on avait juste mis « Pascade » sur la façade, et on a sûrement fait l’erreur de croire que tout le monde connaissait la Pascade car nous étions baignés dedans et des œillères nous empêchaient de réaliser que pour beaucoup de gens ça ne voulait absolument rien dire ! On voulait se dégager au départ du côté conceptuel pour se rendre compte finalement qu’on est complètement sur quelque chose de conceptuel pour les gens et qu’il fallait bien admettre de devoir communiquer dessus, sur le nom, mettre des photos à l’entrée, etc.
Comme disait Marc, il faut habituer les gens à manger quelque chose qu’ils n’ont jamais mangé, un plat, une forme, une texture qu’ils ne connaissent pas, légèrement sucrée, avec une cuisine assez pointue à l’intérieur, un choix très limité pour obtenir cette justesse. Nous sommes arrivés en nous disant qu’on avait créé un lieu complètement abouti pour au final devoir réaliser qu’il fallait avant tout faire découvrir aux gens le concept.
Comment donne-t-on envie aux gens qui ne la connaissent pas de venir tester cette fameuse Pascade ?
A : Nous n’avons pas la prétention de concurrencer la pizza dans les habitudes des gens, nous souhaitons simplement faire découvrir une recette authentique française qui vient de l’Aveyron et dans laquelle on a apporté 2013, c’est-à-dire la garniture. Il faut aussi justement faire admettre aux gens que cette garniture est un vrai plat travaillé avec des bons produits. On y trouve des vrais légumes, du poissons frais, de la salade coupée le matin même, des langoustines, etc., le tout valorisé par une technique professionnelle pointue, réalisée par des gens issus de la cuisine gastronomique qui apportent toute leur valeur ajoutée. La Pascade n’est que le support qui va combiner toutes ces saveurs.
On a aussi voulu créer un lieu qui s’ancre dans la vie parisienne car malgré la précision des plats, on peut vous permettre de manger en 30 minutes. Dans mon restaurant à Honfleur, les gens peuvent passer 2 à 3 heures à table, le but n’était pas de me faire concurrence à Paris. Je voulais un endroit vraiment différent, adapté au rythme parisien, où les gens peuvent venir rapidement le midi ou avant un ciné mais aussi tard et à n’importe quel moment de la journée puisque nous servons non-stop de midi à 23h, 7 jours sur 7.
Avez-vous déjà des projets pour la suite ?
A : Avant toute chose, il s’agit d’assainir financièrement ce lieu car nous sommes pour l’instant à 9 mois d’activité dans un contexte économique compliqué. Et puis, bien sûr, faire connaître la Pascade et faire savoir aux gens qu’on y mange bien !
Sinon dans un futur plus lointain, nous avons des investisseurs ou hommes d’affaires qui voyagent beaucoup dans le monde et qui imaginent la possibilité d’exporter l’adresse à l’étranger. On nous a parlé de Dubaï, Londres ou Singapour. Ce n’est évidemment pas notre priorité pour l’instant mais cela nous a forcé à nous demander si en effet le concept, qui est clairement fait pour vivre dans une capitale, ne pourrait pas avoir plusieurs adresses relais dans le monde… C’est une idée intéressante.
M : D’autant plus que les étrangers qui viennent au restaurant adoptent tout de suite la Pascade ! Les Anglos-saxons et les Asiatiques sont enthousiasmés par le concept, peut-être que leur rapport au sucre – même si au final le sucre est vraiment très léger dans la Pascade – est différent… En tout cas ils ont l’air d’accepter plus facilement la nouveauté, d’être un peu plus rock’n’roll !
Si Castalie était une Pascade… ?
M : Une Pascade en forme de goutte d’eau, pour commencer, et très légère !
A : Oui très aérienne, avec une émulsion acide, légèrement citronnée avec un poisson tout juste assaisonné pour allier la pureté de l’eau Castalie à la rusticité de la Pascade.
Merci à vous deux !
Marc André et Alexandre Bourdas chez Pascade
Site Web
14 rue Daunou
75002 Paris
Tel : 01 42 60 11 00