Le 10 février, la loi contre le gaspillage a été promulguée, fixant à 100% l’objectif de plastique recyclé en 2025. Une mesure visant à endiguer le fléau de la pollution plastique : en 2016, la production mondiale a atteint 396 millions de tonnes, or près de la moitié du plastique est utilisée pour créer des produits jetables, qui ne durent pas plus de trois ans selon le rapport de WWF sur le sujet. Mal gérés, ces déchets se retrouvent dans la nature et dans les océans : 100 millions de tonnes de déchets plastiques se transformeraient ainsi en polluant terrestre ou marin selon l’ONG ! Face à cela, la solution du recyclage est mise en avant par de nombreuses organisations.
Pour autant, recycler le plastique permet-il d’en produire moins, et de diminuer la pollution ? Pas si simple…
Je trie, tu tries, nous trions… ♻️
Première ombre au tableau : pour être recyclé, il faut que le plastique soit trié ! Or actuellement, seuls 14% des plastiques usagés sont collectés pour être recyclés. En cause ?
- la répartition géographique très inégale des bacs de tri,
- le manque de coordination nationale sur les consignes de tri (les couleurs des bacs peuvent varier selon les villes, ce qui crée de la confusion chez les usagers),
- le manque d’accès à l’information, qui empêche le geste de tri de devenir un véritable réflexe.
Pour autant, les Français sont de plus en plus nombreux à trier ! 89 % d’entre eux trient leurs emballages, dont 51 % de manière systématique selon un sondage Ipsos pour Citeo. Une belle performance, mais qui ne fait pas tout ! Car ce n’est pas parce que le plastique est trié qu’il sera forcément recyclé…
Le recyclage du plastique, c’est pas automatique…
Le plastique, une matière volatile 🌬
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », disait ce cher Lavoisier. C’était hélas avant l’invention du plastique, pour qui le processus de transformation est synonyme de lourdes pertes.
En effet, une fois dans le centre de tri, les différents matériaux plastiques sont séparés, puis compactés sous forme de « balles », et envoyés en centre de recyclage, où ils sont nettoyés, broyés, et transformés en paillettes, elles-mêmes lavées de nouveau, afin d’être réutilisés. Ces paillettes étant volatiles, une partie se perd lors du processus de transformation puis de transport, se dispersant alors dans la nature… Ce sont elles qui se retrouvent entre autres dans les sols, les océans, et dans les organismes humains et animaux ! Ces pertes sont non négligeables, puisque sur les 14% de plastique collectés en vue d’être recyclés, on estime à 4% le volume perdu, selon Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique.
Des plastiques inégaux face au recyclage ✋🏽
Pour les paillettes de plastique qui seront effectivement recyclées, les choses ne sont pas beaucoup plus simples. En effet, il faut savoir qu’il existe aujourd’hui environ 6 types de plastique différents dans la majorité de nos emballages, dont deux sont facilement recyclables :
- Le PET (polyéthylène téréphtalate, de son petit nom) que l’on trouve notamment dans les bouteilles d’eau, est le seul à pouvoir être recyclé pour tout type d’usage, y compris alimentaire.
- Le PEHD (aka le polyéthylène haute densité, PEHD pour les intimes), comme ceux des flacons de shampoing, des bouteilles de lait, ou des bidons de lessive, ne peut en revanche pas être réutilisé au contact des aliments par exemple.
- D’autres plastiques, comme le polystyrène, n’ont quasiment aucun moyen d’être recyclés, faute d’être produit en quantité suffisante pour que la filière soit industrialisée.
Si certains plastiques peuvent donc être réutilisés pour un usage similaire, il s’agit toutefois d’une très faible proportion, et la plupart sont recyclés en objets différents de leur fonction d’origine, à l’état dégradé.
Recyclage ou “décyclage” ?
Une économie pas si circulaire que ça 🗑
En effet, les plastiques qui sont effectivement recyclés sont pour 8% d’entre eux recyclés en circuit ouvert, c’est-à-dire pour des usages différents de ceux d’origine. Un plastique pourra ainsi être recyclé en pull, en cintre, ou en matériau de construction par exemple, selon qu’il s’agisse de PET ou de PEHD. Selon son usage, le plastique aura été fragilisé, chargé d’additifs et de contaminants, et ne pourra pas être recyclé une seconde fois… Le recyclage n’en est donc pas vraiment un puisqu’au bout d’un cycle, le plastique sera de nouveau un déchet, qu’il faudra soit incinérer, soit mettre en décharge. C’est la raison pour laquelle certains experts parlent d’ailleurs de « décyclage » plutôt que de recyclage ! Un phénomène que Flore Berlingen analyse à merveille dans son livre “Recyclage : le grand enfumage” paru en juin : selon la directrice de l’association Zero Waste France, le recyclage à l’infini est un mythe, qu’il convient de dissiper.
Un nettoyage qui pose problème 🤔
Pour le peu de déchets qu’il est possible de recycler en circuit fermé, comme les bouteilles en PET, là aussi le recyclage est limité : en nettoyant le plastique, celui-ci est souvent abîmé, et moins résistant. Il faut alors le mélanger à du plastique vierge pour en faire un produit aussi qualitatif que l’original, et donc… produire de nouveau du plastique. Sans compter que si le nettoyage des PET élimine certes les contaminants volatiles, il n’élimine pas les métaux lourds ! Or faire subir à ces billes de plastique plusieurs nettoyages pourrait potentiellement présenter des risques pour la santé des consommateurs selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments, dans la mesure où on ne sait pas comment les contaminants résiduels se comportent et se dégradent au fil des cycles d’utilisation.
Enfin, le processus de recyclage – qui implique de collecter les déchets et de les transformer – est très énergivore, et peut, par son utilisation de produits décontaminants, polluer l’environnement. Mais si même le recyclage est une impasse, que faire ?
Quelles solutions ? 💫
Premièrement, le recyclage n’est pas vain puisqu’un plastique réutilisé, même une fois, vaudra toujours mieux qu’un plastique abandonné dans la nature ou qu’un plastique vierge, produit de zéro. D’ici 2025, la France devrait interdire la mise en décharge du plastique, le redirigeant automatiquement vers des centres de recyclage ou d’incinération, ce qui est un premier pas.
En parallèle, de nouvelles alternatives au plastique font leur apparition ! Comme les bioplastiques, qui regroupent en fait les plastiques biosourcés (fabriqués à partir de plantes) et les plastiques biodégradables.
Néanmoins, les conditions pour que ces plastiques se dégradent sont rarement réunies dans la nature, et encore moins en milieu marin… Quand la dégradation a quand même lieu, elle est donc à la fois très lente, et souvent partielle, laissant des microparticules de plastique dans l’environnement.
Pour réduire drastiquement la pollution plastique, dont le déversement dans les océans pourrait atteindre 29 millions de tonnes en 2040 si rien n’est fait, selon une récente étude publiée dans la revue Science, la seule solution viable est donc de réduire la production. Et donc, tout simplement, de ne plus consommer de plastique. Acheter en vrac, utiliser des emballages réutilisables, des cosmétiques solides, utiliser une gourde… Les initiatives sont nombreuses pour diminuer notre consommation, et si l’effort est collectif et pérenne, il devrait mener, lentement mais sûrement, vers une véritable baisse de la production de plastique ! Alors, qu’attendez-vous pour faire partie du mouvement ? 🌎🌳
Texte : Coline De Silans Crédits : Surf Rider, Servipac-Salazie 2019, Nick Fewings, Pawel Czerwinski, Vivianne Lemay