Face à l’ampleur de la pollution plastique, de plus en plus d’alternatives plus ou moins « durables » se développent. Parmi elles, les « bioplastiques », dont la définition exacte reste relativement floue et peut prêter à confusion. Un bioplastique est-il vraiment plus écologique qu’un plastique conventionnel ? Quelle est la différence avec un plastique biosourcé ? Sont-ils biodégradables ? On vous dit tout.
Le bioplastique, une solution faussement écologique ?
Le terme bioplastique ne répond pas à une définition arrêtée, et désigne en fait deux sortes de plastiques : les plastiques biosourcés et les plastiques biodégradables. Les premiers portent sur la composition du plastique, et les seconds sur son devenir. Il faut donc bien les distinguer car qui dit plastique biosourcé ne dit pas nécessairement biodégradable, et vice versa !
L’Ademe recommande d’ailleurs d’utiliser plutôt l’un ou l’autre de ces termes plutôt que « bioplastique », trop vague, et pouvant prêter à confusion.
Le plastique biosourcé, qu’est-ce que c’est ?
Les plastiques biosourcés sont des plastiques dont les composants sont issus de sources renouvelables, qu’elles soient d’origine animale, végétale, algale ou résiduelle (cannes à sucre, pommes de terre…). Il n’existe pas de seuil minimum pour parler de plastique biosourcé, et même si le Comité Européen de Normalisation (CEN) recommande de n’utiliser ce terme qu’à partir du moment où les matières biosourcées représentent au moins 40% du matériau, il désigne encore fréquemment des plastiques dans lesquels la part de matières biosourcées ne représentent qu’un faible pourcentage !
Le principal avantage des plastiques biosourcés par rapport aux autres plastiques, est qu’ils évitent la surconsommation de ressources fossiles.
Il existe deux types de polymères (ou molécules) utilisés dans les plastiques biosourcés : les polymères possédant une structure identique à celles des polymères d’origine fossile, et ceux ayant une structure dite « innovante » :
– Les polymères identiques à ceux d’origine pétrochimique présentent certains avantages, à savoir une meilleure résistance, et la même possibilité de valorisation par recyclage (toute proportion gardée), mais aussi les mêmes inconvénients, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas biodégradables. On les connaît sous le nom de PE, PET, PA ou encore PU biosourcés.
– Les polymères innovants, comme les PLA (acide polylactique de son petit nom ), les PHA (polyhydroxyalcanoates), ou les produits à base d’amidon, sont, eux, biodégradables, mais uniquement à condition de n’être pas mélangés à d’autres polymères, ce qui est souvent le cas pour pallier à leur faible capacité de résistance.
Si les plastiques biosourcés représentent une alternative aux ressources fossiles, ils ne sont donc pas biodégradables pour autant, et ont tout de même un fort impact environnemental. C’est le cas notamment pour les plastiques à base de canne à sucre, dont le coût d’importation est loin d’être neutre !
Les plastiques biodégradables, encore loin de se “biodégrader”
Un élément est dit biodégradable s’il peut être décomposé naturellement sous l’action de micro-organismes (bactéries, algues, champignons), de l’oxygène, de l’humidité ou de la chaleur. Le résultat est la formation d’eau, de CO2 et/ou de méthane et éventuellement de sous-produits (résidus, nouvelle biomasse) non toxiques pour l’environnement.
Pour que la dégradation ait lieu, des conditions précises doivent être réunies, comme une température supérieure à 60°C par exemple. Or ces conditions ne sont quasiment jamais présentes à l’état naturel, c’est pourquoi les plastiques biodégradables ne peuvent absolument pas être jetés dans la nature, comme le démontre une expérience menée par les chercheurs de l’Université de Plymouth. Ceux-ci ont placé 3 sacs plastiques dans 3 environnements différents : dans la mer, sous terre et à l’air, et le résultat est sans appel : au bout de 3 ans, aucun de ces sacs ne s’est biodégradé.
Un plastique biodégradable présente en fait un intérêt essentiellement s’il est intégré dans un processus de valorisation des déchets, au sein de filières de traitement organique par exemple. Mais celles-ci, ainsi que les conditions de collecte adéquates sont encore loin d’être développées sur l’ensemble du territoire national… Pour l’instant, une centaine de collectivités sont engagées dans une démarche de collecte séparée des biodéchets selon le Ministère de la Transition écologique. La loi sur la transition énergétique prévoit que d’ici 2025, chaque citoyen devra disposer d’une solution pour valoriser ses biodéchets, que ce soit via des composteurs de proximité ou des collectes adaptées.
En attendant, le plastique biodégradable est un terme trop souvent employé par des entreprises pour rassurer le consommateur, en vain. La loi anti-gaspillage de février 2020 tente de mieux encadrer les pratiques de greenwashing en interdisant les mentions “biodégradable” ou “respectueux de l’environnement” sur les emballages, trop floues et trompeuses pour le consommateur.
Plastiques compostables : la théorie et la pratique
Si tous les plastiques compostables sont biodégradables, l’inverse n’est pas vrai. La norme européenne EN NF 13432 établit des critères pour qu’un emballage puisse être considéré comme valorisable par biodégradation et compostage. Celui-ci doit par exemple être en mesure de se biodégrader à 90 % au bout de six mois, se désintégrer en résidus d’une certaine taille, ou encore être faiblement concentré en métaux lourds… Outre la norme NF 13432, le compostage est encadré par deux normes : la norme NF EN 13432 : 2000, qui désigne les plastiques capables de se dégrader en condition de compostage industriel, et la NF T 51-800 : 2015 pour les plastiques aptes au compostage domestique.
Les labels « Ok Compost » et « Ok Compost HOME » permettent de distinguer les plastiques compostables industriellement et individuellement. Toutefois, pour que le compostage fonctionne, le plastique compostable doit être associé à des déchets organiques (des épluchures, des dosettes de café…), ce qui implique d’avoir des systèmes de collecte de biodéchets performants, ce qui n’était le cas que pour 9 millions de Français en 2016 selon l’Ademe ! Il faut également que les usagers pensent à trier ces plastiques séparément du reste des ordures, avec les déchets organiques.
Pour ces raisons, les plastiques compostables sont plutôt orientés vers des plateformes de compostage industrielles, mais là encore, ce n’est pas la panacée. Ce processus mène à la dégradation de l’emballage en CO2 et H2O, et ne permet pas de récupérer assez de matière pour remplacer la matière vierge – et préserver ainsi nos ressources.
Si les plastiques biodégradables présentent en théorie un intérêt dans une perspective de valorisation organique des déchets plastiques, en pratique, ils doivent faire l’objet de traitements adaptés, et de systèmes de collectes performants. Laisser son emballage biodégradable se dégrader de lui-même dans son jardin reste encore utopique tant les conditions sont difficiles à réunir à l’état naturel.
Les plastiques oxo-dégradables : un désastre environnemental
Attention, faux ami ! Les plastiques oxo-dégradables sont une catégorie de plastique fabriquée à base de polymères auxquels sont ajoutés des agents oxydants, qui les décomposent en morceaux plus petits. Loin d’être biodégradables, ces plastiques sont désastreux pour l’environnement, puisqu’ils se décomposent en micro-plastiques, que l’on retrouve ensuite dans notre alimentation, dans nos océans et un peu partout dans notre environnement. Les plastiques oxo-dégradables sont interdits sur le marché en France depuis janvier 2021.
Il convient donc d’être prudent quant aux termes “bioplastiques” et “plastiques biodégradables”, trop vagues pour être fiables, et souvent utilisés à tort. Toutefois, les efforts pour sortir du plastique sont encourageants, et des lois comme la loi de transition énergétique, ou la loi anti-gaspillage, vont dans le sens d’une banalisation des gestes de tri et de systèmes de valorisation et de collecte des plastiques plus performants.
Mais d’ici là, le plus simple reste encore de s’en passer ! D’autant plus qu’il existe une ribambelle de solutions pour devenir un as du zéro déchet…
Texte : Coline de Silans
Crédit header : Karina Tess